Promenade solitaire.

[ Et pas si solitaire que ça, ce serait stupide d'entamer un premier post sans personne, you're free to come D: ]

C'était par une de ces après-midis étouffante tant par l'odeur du pollen que par l'orage qui s'annonçait, que Radoslav avait décidé de découvrir une nouvelle partie de cette ville où il n'avait, depuis bien environ trois ans, pas eu le temps de visiter...
Son regard , parcourant l'allée bordée de fleurs et de verdure, ne pouvait laisser indifférent les passants, tant la couleur étrange de ces yeux lui donnait une apparence suspecte...
Heureusement pour lui, ses oreilles, occupées par le son quoique trop fort d'une quelconque , ne pouvaient être dérangées par les braillements incessants d'un centre aéré passant par là... Leur agitation, cependant, ne faisait qu'irriter le jeune homme au plus au point.

* Allez,allez, il est pas bientôt dix-sept heures? C'est pas l'heure du goûter , dîner, douche, dodo?*

Mais malgrès l'effort du pauvre russe qui tentait depuis lors de faire fuir les marmots, les yeux exhorbités, ceux-ci ne faisaient que brailler de plus belle, terrorisé par l'aspect du jeune homme, dont l'ample manteaux militaire claquait au vent, devenu de plus en plus fort.
Soudain, la pluie tomba dru. Elle trempa toute la population d'un coup, et la ville s'effacait dans des formes sombres aux contours indeterminés...
La vue brouillée, Radoslav se mit à courir vers un kiosque à musique, où, finalement protégé des bourrasques du vent, il rangea son baladeur trempé dans sa besace, tout en poussant des jurons dans sa langue natale... Histoire de se consoler, il sortit un de ces chewing-gums à la cannelle que tout le monde déteste, excepté une minorité très étrange, et commença à mâcher énergiquement, soudain prit d'une haine pour tout ce qui l'entourait.

C'est alors qu'il aperçut une forme, recroquevillée par terre, n'ayant aucune crainte de la pluie...

Alice était assise au sol, les yeux fermés. Elle était sortie profiter du beau temps avant d'aller travailler, et ses pas l'avaient menée au parc. Surprise par la châleur, plus étouffante qu'elle ne l'avait présumé, elle avait compris à la lourdeur et à la tension de l'atmosphère qu'il allait bientôt pleuvoir, et avait décidé de rester.

Elle aimait cette période juste avant les orages, où l'air se faisait si lourd qu'il semblait vouloir vous écraser au sol. Elle aimait cette tension renvoyée par la nature toute entière, comme si elle semblait pressée et en même temps anxieuse à l'idée de l'orage à venir. Le plus agréable, au yeux de Lise, était ce moment précis où la tension était à son comble, où le ciel semblait vous écraser, lorsque soudain, il semblait se déchirer, se percer, et la pluie commençait à tomber. On ressentait alors une espère de soulagement, comme lorsque ce que l'on redoute est enfin derrière soi.

Et elle voulait profiter de toutes ces sensations, être aux premières loges, c'est pourquoi elle s'était assise à même le sol. Elle voulait être au plus près de la nature, pour se tendre puis souffler avec elle. Aussi, lorsque la pluie tomba, elle ne put s'empêcher de rire un peu, de soulagement. Elle leva son visage vers le ciel, pour sentir la pluie s'abattre sur son visage et la rafraîchir, la débarasser de la lourdeur du temps. Elle aimait être mouillée.

Toute à ses sensations, elle n'avait pas fait attention aux autres présences, aussi fut elle surprise lorsqu'elle senti un regard se poser sur elle. Elle ouvris des yeux étonnés, et tourna la tête vers le propriétaire dudit regard, qu'elle fixa avec curiosité. Un homme. A cette distance, il ne pouvait pas encore la regarder avec concupiscence, aussi continua-t-elle à le regarder, la tête légèrement penchée sur le côté. Si elle appréciait la pluie, l'inconnu ne semblait partager son plaisir. Elle ne comprenait pas pourquoi les gens aimaient si peu la pluie. Elle ne cessait de croiser des gens qui pestaient contre l'eau, même à son travail. Les gens entraient, trempés et ronchons, au lieu d'apprécier la sensation. Et l'inconnu, pourquoi n'aimait-il pas la pluie? S'il n'avait pas été un homme, elle se serait approchée et le lui aurait demandé. Mais il était hors de question qu'elle fasse le premier pas vers un homme, ils ne le méritaient pas.

Aussi resta-t-elle assise, les yeux posés sur ce lointain inconnu.

Radoslav plissa les yeux, intrigué.
La forme, bien décidée à ne pas bouger d'un pouce, avait décidé de le fixer, d'un regard qui, malgré sa nature si placide, le fit tressaillir.Ses molaires abandonnèrent pour un moment leur mouvement frénétiques, cessant ainsi de produire ce fameux bruit de mastication que peu de gens supportent.

Un silence de mort se fit, interrompu par la chute effrénée des gouttes de pluie, qui s'écrasaient à terre , poussées par une force invisible, victimes incessantes de la gravité.
Les quelques formes que le regard clair du jeune homme pouvait apercevoir ne lui rendait qu'un portrait peu détaillée de la jeune personne qui se tenait toujours à terre, comme captivée par la pluie... Tout d'abord, c'était une femme, aux formes généreuses, et dont la chevelure, brune , et sans doute bouclée, dégoulinait d'eau, formant de longs volutes sur son dos et ses épaules. Elle n'était pas sans charme, mais son attitude le tourmentait plus qu'il ne l'aurait pensé...

Un rictus ironique se figea sur ses lèvres claires, et une soudaine envie d'aborder la jeune femme le prit... Non pas que ses hormones masculines se libéraient à tout bout de champs, il savait très bien, même trop bien les contenir, et seule sa curiosité qu'imposait son travail peu commun l'animait désormais...

Quelques pensées sadiques dignes d'un nouveau Big Brother lui vinrent à l'esprit, comme souvent dans ses journées solitaires, lui tournant la tête, lui faisant jusqu'à oublier son chewing-gum, qui tomba grossièrement de sa bouche désormais entrouverte, se collant alors à ses longues bottes , bien décidé à salir la journée de son propriétaires...
-"Дерьмо!"
Cria t-il rageur *, tout en balancant son pied rageusement sur un rebord du kiosque, frottant avec fureur le pitoyable morceaux de gomme aux senteurs âpres, armé d'un bout de bois quelconque, dont le sort ne fût qu'à plaindre...


[* censure un jour, censure toujours, mais dans toutes les langues? ]

[très jolie censure! Mais bon, le mot en lui-même n'était pas vulgaire au point de mériter une telle mesure je pense ]

Alice senti que le regard de l'inconnu tentait de la détailler, se faisait plus perçant, s'attardant plus sur elle. Lorsque les lointains bruit de mastication qu'elle entendait s'arrêtèrent, elle eut un sourire méprisant. Rares étaient les hommes qui résistaient aux charmes d'une femme bien faite, et ils étaient plus désarmés encore lorsque celle-ci avait l'audace de les regarder droit dans les yeux.

Enfin, droit dans les yeux... Par ce temps, et à cette distance, c'eut été difficile. Mais l'inconnu était sans nul doute troublé ou énervé par le fait qu'elle le fixe sans ciller. Alice s'en amusa beaucoup. Elle était de ces gens qui prennent un malin plaisir à titiller les nerfs des gens, de ceux qui préfèrent énerver qu'être appréciés. Enerver ou troubler. L'important pour elle était d'éveiller chez les autres des sentiments gênants: irritation, honte, colère, trouble, excitation...

Elle en était là de ses réflexions, lorsqu'un cri dans une langue inconnue résonna. Elle n'aurait sû dire qu'elle était le sens de ce charabia, mais il était plus que probable que ce soit un juron, vu le ton sur lequel il avait été lâché. Voyant qu'il venait de l'inconnu, elle ne put s'empêcher de rire franchement cette fois-ci, surtout lorsqu'elle le vit de loin s'agiter. Elle ignorait ce qui se passait, mais la fureur apparente de l'homme était très drôle à observer. Eut-il été une femme qu'elle se serait levée et lui aurait proposé son aide, mais il n'était qu'un homme, aussi Lise préférait-elle s'amuser à ses dépends que de l'aider de quelque manière que ce soit, sauf à la rigueur s'il venait requérir son aide.

Radoslav, ayant finalement vaincu son haineux chewing-gum, prit une profonde inspiration, afin de calmer sa montée de colère bouillante . La position qu'il avait prise, peu habituelle, qui consistait donc à étendre sa jambe sur un des rebords du kiosque, ne semblait en aucuns point gêner la demoiselle, qui restait toujours de marbre...D'un mouvement rapide , il balança son autre jambe dans les airs, et , désormais accroupi sur le fameux rebord qu'il commençait à affectionner, le russe entreprit machinalement de mâcher un nouveau chewing-gum, inconscient de l'aspect ridicule de sa posture...

Tout en activant une fois de plus sa mâchoire, Radoslav entreprit de détailler la situation stupide dans laquelle il commençait tout juste à se fourrer. Surveiller quelqu'un de non signalé par les hauts-placés, juste pour tuer le temps, en se faisant tremper comme un chat tombé accidentellement dans du bortsch puant, cela commençait sérieusement à relever de la stupidité pure.

Un craquement au niveau de sa cheville se fit retentir, et , tout en fixant la jeune femme dont l'apparence lui paraissait être celle d'un ectoplasme , tant sa chevelure contrastait avec sa peau claire, il pesta contre sa voisine stupide lui interdisant l'accès du toit de l'immeuble.
Non sérieusement, si cela continuait ainsi, il allait finir par se rouiller de partout... Vérifiant cela d'un mouvement leste des épaules, qui elles aussi craquèrent sinistrement, notre homme, qui éternua d'un commun accord, décida qu'après son petit jeu de regards ,qui, il l'éspèrait, ne durerait pas trop longtemps non plus, il opterait sans doute pour l'option vodka après l'effort...